Bruegel l’humaniste espiègle, un tableau musical

6 violons Renaissance de la basse au soprano
28 août, 21h / Besançon, Musée des Beaux-Arts et d’Archéologie
- Elisabeth Colson, mezzo-soprano
- Pascale Boquet, luth et guiterne
- Odile Edouard, soprano de violon
- Véronique Bouilloux, alto de violon
- Nicolas Sansarlat, contralto de violon
- Alain Gervreau, ténor de violon
- Lorraine Brosse, bassetto de violon
- Hervé Douchy, basse de violon

A part un voyage en Italie (1552), Peter Bruegel l’ancien (1525-1569) a passé sa vie entre Anvers – où il travaille comme graveur et fréquente les cercles d’artistes et les soirées d’érudits humanistes – et Bruxelles où il déménage après son mariage.
Dans ses tableaux, il ne se contente pas de peindre avec empathie, espièglerie et tendresse la vie quotidienne, mais invite le spectateur à s’interroger sur la nature humaine, l’incitant à « entrer dans la danse » entre vice et vertu, à la manière du « fou » humaniste.
Les textes des chansons flamandes de ce programme sont en étroite concordance avec ce « monde à l’envers » d’Erasme (publication de l’Eloge de la folie en 1511), dans lequel le « fou » pointe du doigt le comportement des humains, ballotés entre plaisir et instinct d’un côté et raison et morale de l’autre.
Amour, séduction, jeux, danses et dérision sont déclinés sur des mélodies populaires (à l’instar des tout premiers psaumes protestants traduits en langue vernaculaire et mis en musique sur des mélodies locales) par les maîtres du contrepoint franco-flamand : Clemens non Papa, Thomas Créquillon, Pierre de la Rue, Lupus Episcopius, Gerardus Turnhout, Jeronimus Vender, Jacob van Vaet, Lupus Hellinck, Mattheus Pipelare, Johannes Ghiselin… et publiés par Tielman Susato à Anvers puis par Pierre Phalèse à Louvain.
Nous avons regroupé les caractères des œuvres dans les quatre parties du programme.
La traduction des textes flamands en français proposée permet de saisir l’intrigue et le contexte des chansons.
Les musiciens ont travaillé la mise en espace avec Benny Martin.

I – LES SENTIMENTS AMOUREUX
1 – Entrée en procession, Proper Dianneke, Emanuël Adriaenssen, Pratvm mvsicvm, 1584
Une fille devait aller chercher du vin / Tiens ta petite cruche fermement / Le soir dans le clair de lune / La nuit, la nuit, / Tiens ta petite cruche propre petite Diane / Tiens ta petite cruche fermement. / Que trouva t-elle sur son chemin / Un camarade agréable, et ceci était vrai / Le cavalier demanda à cette jeune fille / Si elle ne voulait pas répondre à son vœu / Quelle que résistante que fût cette jeune fille / Il la jeta à terre dans l’herbe verte / Quand il eut fait son petit vœu / Belle chérie maintenant tu peux bien rentrer à la maison / Celui qui nous chanta ceci pour la première fois / Ses petites cloches ne donnaient pas de son. Traduction : Peter van Heyghen.
2 – Myns liefkens bruyn oghen, Iorius Vender(actif à Gand vers 1525)
Les yeux bruns et la bouche (sou)riante de mon aimée / Me font mal et me donnent douleur. / Je me plains devant Dieu et devant mes yeux / Que je ne puisse la voir ni parler. / J’ai été trompé. Traduction Patrizia Hardt.
3 – Mijn hert heeft altijts verlanghen, Pierre de la Rue (1452 – 1518)
Mon coeur toujours a désir / De vous, ma très aimée. / L’amour s’est emparé de moi, / Je veux être tout à vous. / Devant le monde entier j’atteste / – chacun peut le voir ou l’entendre -, / Vous seule disposez de mon coeur. / C’est pourquoi, amie, ne m’abandonnez pas. Traduction Colette van Coolput-Storms.
4 – Het molenarinneken, Mattheus Pipelare (1450 – 1515)
Je connais une fille de meunier, / aussi charmante qu’il se peut : / dans toutes ces contrées, / il n’en est point de plus belle. / Dieu tout puissant, si elle pouvait me moudre, / je lui apporterais de bonnes graines / ah si seulement elle pouvait devenir ma meunière.
5 – Ghy syt die wertste, Johannes Ghiselin (Verbonet) (c.1455 – 1507-10)
Vous êtes la plus chère par dessus tout, / de par cette vallée terrestre / pudique et svelte / il n’est de créature plus belle et juste / entends ma supplique : mon infortune / est insondable / à chaque heure / jolie, noble, pure / tu es ma consolation. / Cependant tu es ici pour tout le monde.

II – LA DANSE ET LA TAVERNE
6 – Entrée du Fou, publiée à Anvers par Tielman Susato (c.1510 – 1570)
7 – Gaillarde publiée à Anvers par Tielman Susato (c.1510 – 1570)
8 – Den Hoboken dans publiée à Anvers par Tielman Susato (c.1510 – 1570)
9 – Een bier, een bier, een Broyken, Lupus Episcopius(c.1520 – 1595)
Une bière, une soupe de bière, / buvez-la vite, mais portez-la toujours lentement (tiède?). / Je vous dis, par ma foy, / versez-la dans votre gorge. / Si vous me la portez, / je chanterai une chanson pour nous. (La soupe de bière est un mélange de bière et pain populaire à l’époque).
10 – Almande et Saltarello « Poussinghe », publiés à Anvers par Pierre Phalèse (1510 – 1575)
11 – Een gilde heeft syn deerne ter scheymaeltyt ghebeden, Josquin Baston (1515 – 1576)
Un compagnon fêtard / à un dîner d’adieu invita sa maîtresse / une de celles qui connaissent tous les tours du commerce de Vénus / elle le ravit toujours autant par sa manière d’être. / Alors il dit : « Chérie, faisons-le à la bonne vieille manière / encore une nuit pour la dernière fois ». / La femme répondit : » Alors je vais m’attacher à le bien faire, / encore une nuit pour la dernière fois ».
12 – Den lustelijke mey, anonyme, Tielman Susato, Musyck Boexken, 1551
Le mai vigoureux, avec ses nobles feuilles, chaque cœur maintenant se réjouit du chant des oiseaux, chérie mignonne, dans le frais mois de mai, et [nous faisons] ceci par pure bonté, mon jeune esprit se réjouit, d’entrer dans la forêt verdoyante. Mes chéris, dans la vallée là-bas, les fleurs poussent de partout, leur nombre est abondant.
13 – Quatre bransles – Les fagots, publiés à Anvers par Tielman Susato (c.1510 – 1570)
III – LA GUERRE
14 – Pavane La Bataille à 6 publiée en Allemagne par Paul et Bartolomeus Hessen (1555)
15 – Bransles de la guerre publiés à Anvers par Pierre Phalèse (1510 – 1575)
16 – Pavane et Gaillarde La Bataille publiées à Anvers par Pierre Phalèse (1510 – 1575)
17 – Wilhelmus van Nassouwen extrait de The Thysius Lute Book (c.1600)
18 – Continuo Lacrimas, Jacob van Vaet, à 6 « In mortem Clementis non Papa » (1529 – 1567)
Versez sans cesse vos larmes, chanteurs et chanteuses /car la louange et la gloire de votre chœur ont disparu. / Trop inclémente est la violence du Destin / qui refuse d’épargner de durs coups à un homme si clément. / Mais le Dieu tout-puissant lui-même aidera Clément / à vaincre la mort qui l’a terrassé. / Cantus firmus : Accorde-lui le repos éternel, Seigneur, et que la lumière perpétuelle brille sur lui. D’après la traduction de Mick Swithinbank.
IV – LA MUSIQUE À LA MAISON ET LA RELIGION
19 – Overvlodigen rijckdom noch armoede groot, Gerardus Turnhout (1520 – 1580)
Seigneur, ne me donnez sur terre ni richesse abondante, ni grande pauvreté. / Je devais vous trahir par grande misère, / en disant : où est le Seigneur? / L’Abondance fait mourir l’homme, / car pour le riche, il est très dur d’entrer au Paradis. / Mais Seigneur, je dois vivre sur terre. / Laissez-moi donc faire (avec ce) dont j’ai besoin / (pour vivre) d’une façon modeste. / Vous connaissez ma faiblesse (la faiblesse de ma pensée) / La richesse donne l’orgueil, la pauvreté donne la tristesse. / Donc donnez-moi, Seigneur, juste le nécessaire. Traduction Patricia Hardt.
20 – Magnificat, Cornelio Verdonck, lecture musicale sur la gravure de Johannes Sadeler d’après Maarten de Vos (Anvers, 1585)
21 – Souterliedekens, psaumes harmonisés par Clemens non Papa (1510-15 – 1556)N°120, 31, 145, 79 14, 92